La « gourmandise » des Allemands pour le bronze explique les tribulations pittoresques du buste d’Alexis de Tocqueville pendant la guerre. En voici le récit.
Un soir de 1943, le vicomte René Clerel de Tocqueville emmène dans sa traction le buste d’Alexis de Tocqueville jusqu’au hameau de Ozeville : un jardinier du château de Tocqueville, Hyacinthe Anfray, accepte de mettre le bronze à l’abri.
L’abri, c’est tout d’abord la tête du lit de la fille d’Hyacinthe. Mais les Allemands ont le projet de réquisitionner une pièce chez la famille Anfray pour y installer une infirmerie. Frayeur ! On déménage le buste dans les dépendances, à trente mètres de la maison. Alexis est caché à l’étage, dans de la fougère.
La quiétude familiale est troublée quelques mois plus tard, à la fin de l’hiver 1943/44 : les Allemands, mettant en position une batterie d’artillerie de campagne à proximité d’Ozeville, décident d’utiliser les dépendances, abri d’Alexis, comme central téléphonique. Ils veillèrent ainsi des mois durant le buste de l’illustre Cotentinais.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Peu avant le débarquement, les Allemands Quittent Ozeville. Craignant que leur départ ne soit que momentané, Hyacinthe Anfray et son fils Bernard transportent Alexis dans le potager et l’enterrent. Pour effacer toute trace, on lui sème des haricots sur la tête !
Le buste ne recouvra sa liberté au plein jour qu’après le prise de Cherbourg. Il regagna le château de Tocqueville, puis fut installé face à l’église.
Texte extrait de la Presse de la Manche, 15 juin 1994
Photo aimablement prêtée par la famille Anfray