Bravant la météo peu engageante en ce début d’après-midi, 25 randonneurs se sont rassemblés sur la place de l’église pour une balade de trois heures dans les chemins creux de Tocqueville. Par chance, les quelques gouttes de pluie s’évanouissent vite et le beau temps se maintient jusqu’à l’arrivée au château.
Après une photo de groupe sous le regard d’Alexis, les promeneurs s’approchent du caveau de la famille De Tocqueville pour un bref historique de ses occupants et du plus illustre d’entre eux qui y repose aux côtés de son épouse Marie Motley, du moins le suppose t’on, car il y a quelque mystère sur ce sujet.
Toute l’équipe, encadrée par les membres de l’association, grimpe ensuite le chemin de la Forge pour atteindre le vieux presbytère d’où l’on découvre un panorama magnifique sur la pointe de Barfleur et le phare de Gatteville. Un point d’histoire sur ce presbytère confisqué et vendu à la Révolution et tout le monde repart vers Ingleville, la vallée de la Couplière et le hameau de Gofontaine.
La traversée de la route de Saint-Pierre-Église est l’occasion de citer Alexis de Tocqueville dans ses Souvenirs, alors qu’il accompagne les Tocquevillais qui vont voter pour les élections à l’assemblée constituante de 1848.
« Nous devions aller voter ensemble au bourg de Saint-Pierre, éloigné d’une lieue de notre village. Le matin de l’élection, tous les électeurs (c’est-à-dire toute la population mâle au-dessus de vingt ans) se réunirent devant l’église. Tous ces hommes se mirent à la file deux par deux, suivant l’ordre alphabétique ; je voulus marcher au rang que m’assignait mon nom, car je savais que dans les pays et dans les temps démocratiques, il faut se faire mettre à la tête du peuple et ne pas s’y mettre soi-même. Au bout de la longue file venaient sur des chevaux de bât ou dans des charrettes, des infirmes ou des malades qui avaient voulu nous suivre ; nous ne laissions derrière nous que les enfants et les femmes ; nous étions en tout cent soixante-dix. Arrivés au haut de la colline qui domine Tocqueville, on s’arrêta un moment ; je sus qu’on désirait que je parlasse. Je grimpai donc sur le revers d’un fossé, on fit cercle autour de moi et je dis quelques mots que la circonstance m’inspira. Je rappelai à ces braves gens la gravité et l’importance de l’acte qu’ils allaient faire ; je leur recommandai de ne point se laisser accoster ni détourner par ceux, qui, à notre arrivée au bourg, pourraient chercher à les tromper; mais de marcher sans se désunir et de rester ensemble, chacun à son rang, jusqu’à ce qu’on eût voté. « Que personne, dis-je, n’entre dans une maison pour prendre de la nourriture ou pour se sécher (il pleuvait ce jour-là) avant d’avoir accompli son devoir. » Ils crièrent qu’ainsi ils feraient, et ainsi ils firent. Tous les votes furent donnés en même temps, et j’ai lieu de penser qu’ils le furent presque tous au même candidat. »
Alexis de Tocqueville fut élu député de Valognes par 110704 suffrages sur 120000 votants (92%).
La balade se poursuit par le village d’Ozeville, son manoir (16ième siècle), son lavoir et son calvaire. C’est le moment d’évoquer l’histoire du buste d’Alexis, déjà mentionnée sur ce site, car nous passons à côté de la maison de Hyacinthe Anfray qui joua le rôle principal dans cet épisode local de la guerre 39-45.
Après une nouvelle traversée de la Couplière et une halte au Moulin de Bas où Nicolas nous invite à pénétrer dans les jardins, le groupe se dirige vers l’ancienne laiterie. Fondée en 1909 par le baron d’Espinose, et en fonctionnement jusqu’en 1978, la laiterie fut un centre d’activité très important pour Tocqueville ; elle était réputée pour la qualité de sa crème et de son beurre. Elle héberge maintenant plusieurs gîtes, en particulier dans l’ancienne maison du directeur.
Puis les marcheurs arrivent à la gare où passait le « Tue Vaques », petit train qui se tortillait de Cherbourg à Barfleur entre 1911 et 1950. Un arrêt devant l’entrée du parc du château de Gouberville, l’occasion de mentionner Gilles de Gouberville, et la randonnée se poursuit par les chasses du « Capital » d’où l’on aperçoit le manoir d’Imbranville puis plus loin, l’église de Néville, petite sœur de celle de Saint-Pierre-Église.
Il est temps d’arriver au château car la pluie commence à tomber. Et c’est à l’abri, sous les porches des communs, qu’est brièvement rappelé l’historique des lieux : ce domaine, dans la famille Clérel de Tocqueville depuis 1661, est restauré par Alexis et sa femme entre 1833 et 1857. En 1896, une aile rectangulaire est ajoutée par le Comte Christian, petit neveu d’Alexis et arrière grand-père du propriétaire actuel, Jean Guillaume de Tocqueville.
Du cidre bouché et d’excellents gâteaux cuisinés par des bénévoles de l’association, attendent les promeneurs, alors que le ciel d’orage se déchaîne !
A l’année prochaine pour une autre balade !